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in Byzantion Nea Hellás
Le manuscrit de l’Histoire de la Littérature Grecque Moderne de Joseph Dunin-Borkowski: une contribution majeure au transfert littéraire européen du 19e siècle (Première partie)
Résumé:
Dans le cadre de notre article, nous avons essayé d’examiner le phénomène du transfert littéraire durant la période du Romantisme européen, via le moyen de la traduction poétique. Plus particulièrement, nous avons essayé de procéder à l’étude systématique du manuscrit de l’Histoire de la Littérature Grecque Moderne de Joseph Dunin-Borkowski (1809-1843), par une analyse du contexte historique et humain ainsi qu’une comparaison parallèle des traductions poétiques suivant le texte du littérateur polonais.
Introduction
Le processus des transferts culturels en Europe durant le XIXe siècle constitue l’une des trois dimensions majeures de la communication interculturelle se plaçant toujours dans un cadre transnational 1 . Cette considération s’avère être un trait caractéristique qui régit, entre autres aussi, le domaine littéraire par la conceptualisation d’un ensemble de phénomènes relatifs entre différentes cultures ainsi qu’implique une série d’actions humaines. Dans la limite de cette problématique, la rédaction d’une histoire de littérature nationale ainsi que sa traduction en diverses langues, offre un cas d’analyse important dans la mesure où la description d’une certaine typologie serait possible. Par conséquent, l’affaire de la traduction de l’ Histoire de la Littérature Grecque Moderne en polonais, dans laquelle est impliquée le poète Joseph Dunin – Borkowski (1809-1843) 2 en tant que médiateur individuel principal, resta peu étudiée jusqu’à nos jours à cause des difficultés méthodologiques essentielles qu’elle présente tout en gardant un intérêt particulier.
a) La description du manuscrit
Le manuscrit de l’ Histoire de la Littérature Grecque Moderne de Joseph Dunin – Borkowski se trouve actuellement déposé dans la Bibliothèque Ossolineum de Wroclaw, sous la cote 9534/II, et son titre en polonais est formulé ainsi: ‘’Jozef Dunin-Borkowski: Dzieje nowogreckiej Literatury’’ (Joseph Dunin-Borkowski: Histoire de la Littérature Grecque Moderne). 3 Il provient de la collection personnelle d’ Alexandre Czolowski (1865-1944), ancien directeur des Archives Municipales et du Musée Historique de la Ville de Lviv 4 , et porte son ex-libris avec un autre manuscrit du même auteur, à savoir la traduction polonaise du Pseudo-Apollodore 5 .
Plus particulièrement, il s’agit d’un manuscrit autographe en papier, originaire du XIXe siecle 6 , jamais copié auparavant, relié en parchemin et étant sous forme d’un seul et unique cahier qui comprend 139 pages, au format in-8o et aux dimensions 21 x 26 cm. Le texte écrit se trouve en recto-verso et l’écriture est nette, prudente et légèrement inclinée vers la droite. Le texte du manuscrit est entièrement rédigé en polonais et se trouve interrompu à sept endroits, là où J. Dunin-Borkowski décida d’intercaler des passages en langue grecque, c’est-à-dire soit des phrases, des versets ou des poèmes, recopiés par lui-même 7 . De cette manière, le poète nous laissa ses propres échantillons d’écriture en grec comme témoignage de sa période d’apprentissage et d’étude de cette langue.
D’autre part la pagination du texte, erronée à plusieurs endroits, est faite à la main, vraisemblablement après la mort du littérateur polonais, survenue le 18 juin 1843, car un certain nombre de pages, une ou plus, manquent, celles-ci ayant été dechirées 8 . L’encre utilisée est très noire et par endroits a provoqué des taches si importantes au point d’avoir complètement effacé le texte écrit en traversant l’épaisseur du papier.
Ce manuscrit étant à la possession de son auteur, resta inédit jusqu’à sa mort, selon le témoignage de Maurice Dzieduszycki (1813-1877), rédacteur des Mémoires de Joseph Dunin-Borkowski 9 . Après la disparition de ce dernier, le destin qui fut réservé à son manuscrit était celui d’une première « élaboration » par l’entourage immédiat du poète, vu que son contenu lui était bien connu et même familier 10 . Par la suite, aucun témoignage bibliographique ne nous est fourni concernant la suite de la fortune de ce même manuscrit et par conséquent la formulation d’une hypothèse de travail reste nécessaire. Dans ce cadre, il faudrait prendre en compte que le parcours de deux manuscrits autographes de J.Dunin-Borkowski (9534/II et 9505/I) sera identique jusqu’à leur dépôt final. Alors ces deux manuscrits seront initialement déposés au sein d’une institution publique à Lviv après 1843 11 par l’entourage proche du poète. Durant la période qui suivra, c’est-à-dire entre 1843 et 1891/2 ,ces manuscrits seront bien disponibles pour le public avant qu’ils ne soient transférés, probablement entre 1893 et 1937, dans une collection personnelle (Czolowski). L’acte final de leur transfert en Pologne ainsi que de leur arrivée à la Bibliothèque Ossolineum de Wroclaw, après 1945, constitue actuellement un défi scientifique à soulever dans la perspective d’une recherche future.
b) La structure de l’œuvre: contenu, sources et auteurs
La rédaction d’une histoire de la littérature Grecque Moderne en polonais figurait parmi les intentions de Joseph Dunin-Borkowski depuis la période de ses premiers contacts avec les différentes communautés grecques d’Autriche (Lviv, Tchernivtsi) 12 . Plus précisément, ces contacts entre le poète polonais et les Grecs se situaient en Galicie et à Lviv depuis 1822 alors que J. Dunin-Borowski venait de rentrer de Varsovie 13 . Ces contacts, mal attestés au niveau bibliographique, vont se prolonger tout au long d’une période de cinq ans, c’est-à-dire jusqu’en 1827, date à laquelle J.Dunin-Borkowski obtiendra son baccalauréat et partira de Lviv pour effectuer des études supérieures à la ville de Tchernivtsi, en Bukovine. Là, il étudiera à l’Institut de Philosophie qui fonctionnait en privé au sein du Lycée Public de la ville (k.k.l. Staatsgymnasium Czernowitz) avec son frère, Alexandre, pendant deux ans 14 . Durant son séjour à Tchernivtsi, J.Dunin-Borkowski a eu l’occasion de connaître et de fréquenter différents milieux de réfugiés Grecs, originaires tous des Principautés Danubiennes (Valachie & Moldavie) et résidant en Bukovine depuis l’écrasement de l’insurrection hétairiste par l’armée ottomane suivant la bataille de Dragashan (19 juin 1821) et la persécution des populations
chrétiennes locales 15 .
Plus particulièrement le littérareur polonais aurait eu l’occasion, depuis 1828, de se lier d’amitié avec Constantin Rizos 16 , un des fils de Iakovos Rizos-Néroulos (1778-1849), Premier Ministre (Grand Postelnik) de Moldavie et d’être introduit pleinement à la culture grecque via la langue et la littérature puisque ce dernier avait déjà composé une partie importante de son œuvre 17 . D’autre part, J. Dunin-Borkowski lors de ce séjour aurait entendu, recueilli personnellement et traduit plus tard en polonais une série de chansons populaires grecques mais composa aussi ses propres poèmes qui furent tous dédiés à la cause grecque. Cette partie autographe de l’œuvre de J.Dunin-Borkowski sera complétée en effet par la traduction de deux autres poèmes, originaires de la collection Fauriel, et publiée dans l’ensemble au sein d’une édition bien tardive 18 .
La fin de ses études en 1829, offrit par la suite à J. Dunin-Borkowski l’occasion de procéder à la réalisation de son projet qui nécessitait une intégration complète dans un cercle culturel exceptionnel et unique afin de pouvoir connaître et rendre parfait l’idéal le plus élevé de l’humanité, à savoir la culture hellénique 19 . Ainsi, après un bref retour à Lviv, le littérateur polonais se dirigea à Vienne, accompagné de son oncle, Stanisław Dunin-Borkowski (1782-1850) 20 avec la volonté de procéder en premier à un apprentissage systématique de la langue grecque 21 . Cette étape initiale devait être le prélude d’un acte capital qui suivra, à savoir le transfert de l’histoire littéraire grecque moderne parmi l’intelligentsia polonaise de l’époque 22 . Toutefois, ce transfert littéraire ne serait nullement le résultat d’une simple traduction ou d’une paraphrase mais plutôt le fruit d’un essai collectif, enrichi de données et d’informations originales.
D’autre part, le choix de la capitale autrichienne était justifié pour J. Dunin-Borkowski puisque celle-ci constituait simultanément un des centres importants de la diaspora hellénique, un endroit exceptionnel concernant les institutions éducatives (Université, Ecole Nationale Grecque) mais aussi un lieu d’échanges culturels privilégié (journaux, bibliothèques, cafés, restaurants etc.) 23 . Ça sera au sein de cet environnement admirable que J.Dunin-Borkowski séjourna entre 1829 et 1830, et suivit systématiquement une série de cours de langue grecque, tant classique que moderne, ayant comme professeur le savant Grec Konstantinos Koumas (1777-1836) 24 . Ensuite et dans le cadre de ce même séjour viennois, suivit la traduction en polonais de l’œuvre de Jakovaky Rizo-Néroulo, Cours de la Littérature Grecque Moderne (Genève, 1828 2) qui constituait à cette époque le seul manuel systématique publié concernant l’histoire de la littérature grecque moderne. 25
Le texte traduit resta fidèle à l’original français mais l’œuvre du poète polonais s’enrichit avec l’addition d’une troisième partie supplémentaire ainsi que de références en bas de pages 26 . Pour la réalisation de cette traduction, J.Dunin-Borkowski bénéficia principalement de l’assistance de deux personnes (K.Koumas, Stanislaw Dunin-Borkowski) mais aussi de sources bibliographiques importantes portant sur les textes et les littérateurs grecs de l’époque 27 . Plus particulièrement, il s’agirait d’une série de sources imprimées bien limitée à peu d’auteurs (G.Zaviras, C.Fauriel, A. Christopoulos, G.Theocharopoulos etc.) qui pourrait éventuellement être enrichie avec des brochures et des journaux selon le cas (p.ex. poèmes) d’après les données disponibles de notre recherche 28 .
Toutefois nous devrions signaler que le texte manuscrit, caractérisé par sa fidélité à la structure et au contenu de l’original, est l’œuvre d’une seule main, à savoir celle de Joseph Dunin-Borkowski, dans son ensemble (pp. 1-139). Dans ce cadre, le schéma suivant offre aux lecteurs une image exacte et précise de l’état des deux textes c’est-à-dire de l’original (imprimé) et de la traduction (manuscrit) afin d’éclairer autant que possible la procédure du transfert littéraire de la langue-source à la langue-cible (réceptrice):
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Résumé:
Introduction
a) La description du manuscrit
b) La structure de l’œuvre: contenu, sources et auteurs